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La vie avant la vaccination

La vie avant la vaccination : Mon Histoire, par Margot Smith, Docteur en santé publique

La science médicale a profondément changé nos vies. Je suis sûre que je n'aurais pas survécu à cette vieillesse sans antibiotique et sans les progrès en épidémiologie et en chirurgie. J'étais enfant en 1930. Nous vivions dans un appartement en face de ma cour de récréation et j'avais des amis dans le quartier. C'était l'époque où les parents nous disaient juste "sors et joue" et nous le faisions. On jouait à la marelle, au ballon, aux cartes, à cache-cache et au handball. Nous roulions à patins à roulettes et à vélos et nous construisions des maisons avec des boîtes sur des terrains vides. Nous étions censés rentrer à la maison au crépuscule, avant la nuit. Le laitier, le camion de boulangerie et le glacier livraient à nos portes. Nous nous sentions en sécurité dans nos quartiers.

Mais mes parents craignaient les épidémies. A l'école, de la première à la huitième année, j'avais des camarades de classe atteints de scarlatine, d'oreillons, de rougeole, de rubéole, de varicelle et de coqueluche. J'ai attrapé la rubéole et j'ai dû rester au lit plusieurs jours dans une pièce sombre; ils pensaient que la lumière était mauvaise pour les yeux des malades. Plusieurs de ces maladies obligeaient les familles à mettre un signe de quarantaine sur leur porte; les enfants ont beaucoup manqué l'école.

Adulte, je connaissais des survivants - des hommes qui ne pouvaient procréer à cause des oreillons, une femme avec un bras "en fléau" (flail arm, en anglais) à cause d'une polio, des gens avec des cicatrices de la varicelle, certaines sont devenus sourdes à cause de la rougeole, un homme qui a passé trois ans dans un sanatorium pour une tuberculose et une femme handicapée mentale parce qu'elle a attrapé la rubéole pendant sa grossesse. J'ai des amis qui avaient la polio à l'époque et qui souffrent maintenant du syndrome post-polio, c'est-à-dire une faiblesse musculaire, de la fatigue et de la douleur, pour lesquels il n'existe aucun traitement curatif connu. Ils sont tombés malades avant la vaccination et les antibiotiques.

Comprendre la maladie

Dans les années 1930, la théorie des germes avait moins de 100 ans. Bien que les gens de l'époque biblique savaient que les maladies étaient contagieuses, personne ne savait comment elles se propageaient. En 1854, John Snow mit fin à l'épidémie de choléra transmise par l'eau à Londres en retirant certaines poignées de pompe à eau. Dans les années 1860, Louis Pasteur et Robert Koch ont découvert que les maladies étaient causées par des germes, ce qui a ouvert la voie à un nouveau monde d'exploration médicale et à de nouvelles craintes quant à l'origine des épidémies. Nous étions censés nous laver les mains après avoir manipulé de l'argent, parce que celui-ci est contaminé par des germes quand d'autres personnes l'ont touchés.

On a déjà tous entendu parler de Typhoid Mary, l'infâme cuisinière de New York, qui en 1900, était porteuse de la typhoïde et infectait ses employeurs. Elle a finalement été mise en quarantaine et incarcérée. La célèbre auteure, Helen Keller, était aveugle et sourde à cause de la fièvre qu'elle avait eu étant enfant. Anne Sullivan, son enseignante, lui a appris à communiquer avec la langue des signes. Un film, The Miracle Worker, réalisé en 1960 raconte sa vie.

La découverte des germes a conduit à la naissance du mouvement de la Santé Publique et à l'adoption de lois et de pratiques conçues pour contrôler la propagation de la maladie. A cette époque, le principal moyen de prévenir les épidémies était la quarantaine, l'isolement des malades. Quand j'étais enfant, des patients et des familles entières étaient mises en quarantaine. La quarantaine a été utilisé pour la première fois en Italie au 14ème siècle pour les équipages de navires venant d'endroits où sévissait une épidémie de peste; plus tard, au 19ème siècle, elle a été utilisée pour limiter la propagation de la peste, du choléra, de la fièvre jaune et de la variole. Aujourd'hui, il existe encore des lois pour la mise en quarantaine de personnes arrivant par bateau ou par avion.

Ce sont des directives sur la période pendant laquelle les maladies sont contagieuses et sur la durée nécessaire de la quarantaine : 

  • Poliomyélite: 40 jours
  • Diphtérie: apparition de maux de gorge jusqu'à 4 semaines
  • Rougeole: 4 jours avant l'éruption cutanée et jusqu'à 4 jours après l'apparition de l'éruption cutanée
  • Rubéole (rougeole allemande): 7 jours avant l'éruption cutanée et jusqu'à 5 jours après l'apparition de l'éruption cutanée
  • Varicelle: 2 jours avant l'éruption cutanée et jusqu'à ce que toutes les plaies présentent des croûtes (6 à 7 jours)
  • Scarlatine: 21 jours après le début de la maladie (en l'absence de complications, 15 jours)
  • Oreillons: 5 jours avant le gonflement jusqu'à ce que l'enflure ait disparu (7 jours)
  • Coqueluche: écoulement nasal jusqu'à 21 jours après l'apparition des symptômes.
  • Typhus: 12 jours après la chute de température

Le premier vaccin

Les gens savaient depuis longtemps que l'exposition à certaines maladies les immunisait ; on ne peut attraper certaines maladies qu'une seule fois. C'était bien connu à propos de la variole, qui a tué environ 30% de ceux qui l'on attrapée et qui a souvent laissé des cicatrices au visages des survivants.

En Asie, en Inde, et en Turquie, il était connu que l'inoculation de croûtes de la variole pouvait entraîner une affection bénigne qui immunisait. Layd Mary Montagu, épouse de l'ambassadeur d'Angleterre en Turquie, a été la première à instaurer cette pratique en Europe. En 1715, elle fut défigurée à cause de la variole. Après avoir entendu parler de l'inoculation en Turquie, elle fut déterminée à protéger son fils de six ans de la maladie par l'inoculation. "La variole, si fatale et si répandue parmi nous, est totalement inoffensive par l'invention de l'inoculation," a écrit Montagu à un ami. "Il y a un groupe de vieilles femmes qui rééditent l'opération à chaque automne ... La vieille femme vient avec une coque remplie de la meilleure sorte de variole et demande quelles veines vous voudriez ouvrir ..."

Dans les années 1790, Edward Jenner, médecin de campagne en Angleterre, remarqua que le visages des trayeuses, les jeunes femmes qui trayaient des vaches, était rarement marqué par la variole. Il a constaté que leur exposition à la variole de la vache, une infection propre aux vaches, les protégeait. Cela a conduit au développement de la vaccination contre la variole de la vache comme moyen de prévention de la variole - le mot vaccin est dérivé du latin Variolae vaccinae (variole de la vache)

La vaccination contre la variole a été importante pendant la Guerre d'Indépendance aux Etats-Unis. En 1970, George Washington ordonna la vaccination obligatoire des soldats qui n'avaient subi la variole auparavant. Cependant, la vaccination avec ce virus vivant était dangereuse : elle a tué environ 2 à 3% des personnes ayant reçu l'injection, même en petites quantités. Aujourd'hui, les vaccins sont développés à partir de bactéries ou de virus morts ou affaiblis.

Ma vaccination pédiatrique contre la variole a laissé une cicatrice sur le haut de mon bras, une rareté actuellement. Sur la fresque "History of Medicine in California" exposée à la faculté de médecine de l'Université de Californie à San Francisco, l'artiste Bernard Zakheim montre James Ohio Pattie vaccinant le gouverneur de Californie avec la variole de la vache lors d'une épidémie de variole; la vaccination était une nouveauté à cette époque et à cet endroit. Le Massachusetts a été le premier Etat des Etats-Unis à rendre obligatoire la vaccination antivariolique en 1902.

Maintenant que la variole a été éradiquée, la vaccination antivariolique n'est plus nécessaire. Le dernier cas de variole sauvage aux Etats-Unis date de 1949 et, après de vastes campagnes de vaccination, le dernier cas de variole dans le monde est survenu en 1977.

Les vaccins contre les maladies infantiles courantes.

Polio : Pour mes parents, la polio était une source d'angoisse majeure. En été, les piscines publiques fermaient à cause de la polio qui sévissait. Les conséquences de la polio étaient graves : des enfants ont perdu la capacité de marcher, de respirer, d'utiliser un membre. Les hôpitaux avaient des salles remplies de patients vivant dans des poumons d'acier. 

Notre président, Franklin Roosevelt, a été victime de la polio. Il a soulagé ses symptômes lors de voyages à Warm Springs, dans l'Arkansas. Plus tard, dans les années 1940, les patients atteints de la poliomyélite étaient traités avec des exercices dans une piscine chaude, une méthode découverte par l'infirmière australienne Elizabeth Kenney. Elle a inventé le concept de physiothérapie. De nombreuses villes ont construit des piscines chaudes où les enfants et les adultes atteints de polio pouvaient faire de l'exercice. En 1938, la March of Dime fut fondée pour financer la recherche sur un vaccin. En 1960, 2.525 cas de paralysies dues à la polio ont été signalés. En 1955, Jonas Salk a mis au point le premier vaccin antipoliomyélitique, qui fut utilisé cette année là. Le vaccin antipoliomyélitique oral a été mis au point par Albert Sabin et a été commercialisé en 1961.

En 1963, j'ai donné à mes enfants un vaccin oral développé par Albert Sabin avec un morceau de sucre et j'étais reconnaissante de ne pas avoir à craindre cette terrible maladie. En 1965, il n'y a eu que 61 cas aux Etats-Unis. En 1994, la polio est déclarée éliminée de l'Amérique. En 2002, elle est éliminée d'Europe. Aujourd'hui, seuls le Pakistan et l'Afghanistan continuent d'avoir des cas de poliomyélite.

Diphtérie : Dans mon enfance, je ne connaissais personne qui soit atteint de diphtérie. Cependant, ma mère était originaire d'Europe orientale (Chernowitz, Ukraine), née en 1893 et la cadette d'une famille avec 11 enfants. Elle n'a connu que huit de ses frères et sœurs, ses parents ayant perdu trois fils atteints de diphtérie sur une semaine de temps, quelques années avant sa naissance. A cette époque, 40% des enfants atteints de diphtérie décédaient. La famille royale britannique a souffert d'épidémies à la fin du XIXème siècle. Quatre membres de la famille royale sont morts dans les années 1870. Grâce à la découverte des germes comme cause des maladies, Theodor Klebs a observé la bactérie de la diphtérie en 1883 et cultivé celle de Friedrich Löffler en 1884. le premier vaccin efficace contre la diphtérie date de 1923.

La vaccination contre la diphtérie est devenue très populaire aux Etats-Unis après qu'une épidémie en Alaska eut pour conséquence la Grande course de la Miséricorde de la ville de Nenana à celle de Nome en traîneaux à chiens. Balto, le chien de traîneau en tête de la dernière équipe menant à Nome, possède une statue à son effigie dans le Central Park de New York. Le relais a duré cinq jours et demi et a permis de livrer les vaccins contre la diphtérie qui sauvèrent Nome et ses environs de l'épidémie. La course a été couverte par les journaux du pays.

L'actualité de la Grande course de la Miséricorde a généré une campagne de vaccination aux Etats-Unis qui a considérablement réduit l'incidence de la maladie. Dans les années 1920, on comptait 200.000 cas de diphtérie par an aux Etats-Unis et 15.000 décès; il n'y a pas eu de décès aux Etats-Unis en 2015. Enfants, nous n'avons pas contractés la diphtérie parce que nous avons été vaccinés. Cependant, il semble aujourd'hui que l'Indonésie, le Pakistan et d'autres pays accueillant des réfugiés connaissent encore des épidémies et des décès.

Rougeole : La rougeole était un autre danger réel pour nous, étant enfants. En 1912, les prestataires de soins de santé et les laboratoires américains devaient informer les services de santé des cas de rougeole. Au cours des dix premières années de notification, environ 6.000 décès liés à la rougeole ont été enregistrés chaque année et 48.000 personnes infectées ont été hospitalisées. Les complications de la rougeole comprennent des difficultés respiratoires, des infections de l'oreille et perte d'ouïe, des convulsions, l'hépatite, et des infections aux yeux, ainsi que des complications potentiellement mortelles, notamment des problèmes neurologiques et cardiaques et une pneumonie.

Avant 1963, lorsqu'un vaccin est devenu disponible, presque tous les enfants avaient attrapé la rougeole à l'âge de 15 ans. Je n'ai jamais attrapé la rougeole et j'étais heureux de faire vacciner mes enfants. Nous avions peur de la rougeole, de la coqueluche, de la rubéole, des oreillons et de la scarlatine - ils pouvaient être mortels, ou nous rendre très malades et nous faire rater l'école pendant des semaines. Certains parents ont fait en sorte d'exposer leurs enfants à la rougeole et à la varicelle.  Ces maladies étaient beaucoup plus dangereuses chez les adultes.

Un calendrier de prévention

Le succès de la vaccination contre la variole et l'identification des germes spécifiques ont conduit à la recherche de vaccins pour d'autres maladies. Ces vaccins protègent maintenant mes enfants et petits-enfants contre des maladies dévastatrices :

  • 1923: diphtérie
  • 1924: tétanos
  • 1940: coqueluche
  • 1961: poliomyélite
  • 1963: rougeole
  • 1967: oreillons
  • 1969: rubéole
  • 1994: hépatite B
  • 1995: varicelle

Nous ne craignons plus les épidémies, ni les décès dus à ces dangers infantiles car la vaccination les prévient et nous disposons d'antibiotiques pour les traiter. Parce que beaucoup de personnes sont vaccinées, ces maladies ne sont plus courantes. Bien que tous les enfants ne soient pas vaccinés, ces maladies sont sous contrôle. Les épidémiologistes appellent cela "l'effet d'immunité", une protection contre les maladies infectieuses qui survient lorsque la majeure partie de la population est immunisée et protège ainsi les non-immunisés. Pour ma part, je suis reconnaissante que ces maladies mortelles ne sont plus prévalentes.

Publié par historyofvaccines, le 18 décembre 2018

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