3 Novembre 2019
Eh oui, les vieux mythes antivaccinaux maintes fois débunkés continuent d'être ramenés d'entre les morts par les négationnistes de la science. Alors, Ceci n'est pas Initiative Citoyenne ne résiste pas à l'envie de déterrer ce débunk signé Skeptical Raptor.
Et c'est reparti. Au cours de ce week-end du Memorial Day, j'ai entrepris quelques lectures qui m'ont parfois conduit à lire des affirmations pseudo-scientifiques d'anti-vaccins qui me sont inconnus. En l'espèce, il s'agissait d'un article affirmant qu'il existe des "preuves irréfutables" que des maladies ont été éradiquées grâce à une meilleure hygiène plutôt qu'à la vaccination.
Bien sûr, je suis toujours enclin à lire des "preuves irréfutables", mais il est possible que mon critère pour juger une "preuve irréfutable" soit différent des autres. Et en fait, la vraie science suppose que la plupart des preuves puissent être scientifiquement réfutées, de sorte que l'on ne parle jamais de manière absolue. C'est donc un premier indice qui m'amène à penser que je vais être déçu.
L'auteur de cet article est Dave Mihalovic, docteur en naturopathie (typiquement une personne qui se détourne de la médecine scientifique pour favoriser des pseudosciences telles que l'homéopathie et l’acupuncture), qui prétend être "chercheur en vaccins", bien qu'il n'ait publié aucun article indexé à propos des vaccins ou de tout autre domaine de la médecine.
Ses recherches sur les vaccins se limitent probablement à quelques heures passées sur Google. Il pense sûrement qu'à cet égard, il est aussi intelligent que quiconque possède un baccalauréat ou un doctorat en immunologie, en virologie, en biochimie ou dans une autre branche des sciences biomédicales. Il pense peut-être qu'il a autant de bagage que quiconque possédant plusieurs décennies de recherche dans un laboratoire de classe mondiale.
Si Mihalovic est chercheur en vaccin alors, moi je suis joueur de basket en NBA. Je joues au baskeball. Je suis capable de contrer un dunk de Lebron James. Mais puisque je n'ai aucune preuve de ce que je dit, vous allez sans doute penser que mes propos sont idiots. Mihalovic n'est bien sûr pas idiot. Il se croit aussi intelligent que les vrais chercheurs. Mais voyons ce que Mihalovic a à dire :
"Une synthèse des données sur les effets indésirables neurologiques et le rôle historique de la vaccination dans l'évolution naturelle des maladies infectieuses en Suisse et en Allemagne corrobore les données provenant d'autres régions, en montrant que les vaccins n'ont aucun impact sur les efforts de prévention des maladies du début du milieu à la fin du 20ième siècle. Les données contredisent les campagnes de désinformation généralisée de la médecine mainstream qui prétendent que la vaccination a conduit à l'immunisation et au déclin subséquent des maladies infectieuses. La synthèse corrobore d'autres données partout dans le monde et prouve de plus en plus que l'efficacité des vaccins n'est pas prouvée, qu'elle est injustifiée et qu'il y a un manque de médecine fondée sur les preuves."
Donc, Mihalovic pense que la vaccination n'a joué aucun rôle historique dans les maladies infectieuses, les maladies ont été éliminées autrement que par les vaccins ? D'où vient cette croyance ?
Il l'a trouvé dans un article de Progress in Health Science (pdf), une revue de l'Université de Bialystok en Pologne. Cette revue n'est pas indexée dans PubMed, elle a un faible facteur d'impact (c'est-à-dire un indicateur qu'aucun ou peu d'autres articles publiés citent ces articles dans cette revue) et il est impossible de savoir s'il y a un processus d'évaluation par les pairs.
Par conséquent, avant même de critiquer les affirmations de Mihalovic, on peut souligner la faible qualité de la source sur laquelle il s'appuie pour affirmer que les vaccins "n'ont eu aucun impact sur les maladies infectieuses". Mihalovic fait des affirmations en utilisant de jolis graphiques sur divers vaccins, mais la plupart d'entre eux utilisent des données de la fin des années 1800 et du début des années 1900. Le problème avec les données plus anciennes est double : la qualité de la science médicale à cette époque était très différente de celle d'aujourd'hui et, deuxièmement, il s'agit de données sélectionnées (cherry-pickées) tirées de la longue histoire des vaccinations. Cependant, concentrons-nous sur la coqueluche (Bordella pertussis), facilement évitable grâce au vaccin DTaP et à ses versions antérieures, le vaccin DTC (introduit dans les années 50) et le vaccin original contre la coqueluche introduit au début des années 40.
Mihalovic nous présente un graphique concernant l'évolution de la mortalité pour la coqueluche :
1. La figure 1 illustre l'évolution de la mortalité par coqueluche en Allemagne à partir de 1946 (au lendemain de la Seconde Guerre mondiale) jusqu'au début des années 1990. L'aspect le plus important de ce graphique est qu'il n'inclut que la mortalité (c'est-à-dire les morts) de la coqueluche, que l'on peut présumer avoir diminué en raison de l'amélioration des soins de santé. Nous savons mieux traiter la coqueluche, ce qui a entraîné une réduction du taux de mortalité. Ils prétendent que le nombre de décès dus à la coqueluche a diminué avant le début de la vaccination contre la coqueluche.
2. Ce qui nous conduit au taux de morbidité, c'est-à-dire le nombre de personnes qui attrapent la maladie. Cela montre une toute autre histoire. La figure 2, réalisée à partir des données du CDC, montre comment le nombre de cas de coqueluche aux Etats-Unis est passé de 200.000 à 250.000 dans les années 1940, juste avant l'introduction du vaccin DTC, à environ 5.000 cas au milieu des années 1990, bien qu'il ait atteint environ 25.000 cas à cause de problème d'efficacité de la version acellulaire du vaccin contre la coqueluche. Soit dit en passant, la population des Etats-Unis est environ 2,5 fois plus grande qu'en 1930, ce qui signifie que le taux de morbidité de la coqueluche a chuté de façon plus spectaculaire s'il est ajusté à un taux de maladie sur 1.000 enfants. Dans les années 1930, le taux d'infection par la coqueluche était d'environ 13 pour 1.000 enfants, contre environ 0,5 pour 1.000 aujourd'hui.
3. D'autres réfutations proviennent d'une étude de données en Allemagne de 1946 à 2000, publiée dans une revue à facteur d'impact élevé et revue par les pairs, qui montre que le taux de morbidité de la coqueluche était constant jusqu'en 1965, année où la vaccination obligatoire chez les enfants contre la coqueluche a commencé. L'incidence de l'infection pour 100.000 personne (adultes et enfants) est passée de plus de 100 à moins de 1 entre 1965 et 1992. Il s'agit d'une diminution de 99% du taux sur près de 30 ans de vaccination.
4. Regardez le graphique ci-dessous. Il montre ce qu'il s'est passé à la fois avec le taux de morbidité ET de mortalité par la coqueluche au cours des années où le Japon a cessé de vacciner avec le vaccin anticoquelucheux en 1974. Le taux de vaccination est tombé à environ 10%, ce qui est corrélé à l'augmentation de la mortalité de 0 à 41 entre 1974 et 1979. Et la morbidité due à la coqueluche a grimpé en flèche, passant de 373 cas en 1974 à plus de 13.000 cas en 1979. Puis, après avoir constaté ce chiffre, le Japon a réintroduit le vaccin en 1981, et en 1983, il n'y avait pas eu de décès et seulement 130 cas de coqueluche. C'est dramatique. Et il est clair que le Japon n'a pas eu subitement un manquement des conditions d'hygiène dans les années 70 et qu'il n'a pas été comblé dans les années 80. C'est tout simplement ridicule.
5. Au moment d'écrire ces lignes, je n'ai trouvé aucune preuve réelle, mis à part ce type de corrélation fausse, que la morbidité de la coqueluche est impactée par une hygiène adéquate.
Encore une fois, les anti-vaccins essaient d'inventer des informations là où il n'y en a pas. Ils privilégient la mortalité à la morbidité, plus large. Ils omettent les données de revues à comité de lecture qui ne soutiennent pas leur conviction que les vaccins n'ont rien à voir avec la disparition des maladies. Le vaccin contre la coqueluche a presque totalement réduit le niveau des maladies. Nous sommes tous conscients que la version acellulaire du vaccin présente une certaine faiblesse, mais la science y remédiera avec le temps.
Les vaccin sauvent des vies. Et nous l'avons encore prouvé.
- Hellenbrand W, Beier D, Jensen E, Littmann M, Meyer C, Oppermann H, Wirsing von König CH, Reiter S. The epidemiology of pertussis in Germany: past and present. BMC Infect Dis. 2009 Feb 25;9:22. doi: 10.1186/1471-2334-9-22. PubMed PMID: 19243604; PubMed Central PMCID: PMC2653494.
- Watanabe M, Nagai M. Acellular pertussis vaccine in Japan: past, present & future. Future drugs. Expert Rev Vaccines 2005;4(2):180-181
Publié par Skeptical Raptor, le 29 mai 2013
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