Ceci n'est pas Initiative Citoyenne

Le top 6 des arguments des opposants aux vaccins... et mes réponses

Par le docteur Dominique Bayot, gynécologue, professeur de pharmacologie obstétricale à la HE Léonard de Vinci (UCL)

La polémique des vaccins au 21ie siècle impressionne. Aux opposants, je souhaite répondre de manière nuancée avec des arguments scientifiques.

 

Il est exaspérant pour qui a le sens de la critique scientifique, de voir comment un certain public et les médias remettent en question la politique vaccinale de nos Etats. Outre le côté irrationnel des arguments avancés, il se porte des accusations particulièrement graves de concussion entre les autorités académiques et les laboratoires producteurs. A l’inquiétude de nos concitoyens nous devons répondre par des arguments rationnels, pas par des slogans et en termes compréhensibles.

"Ce ne sont pas les vaccins qui ont fait disparaitre certaines maladies."

La variole a été déclarée éliminée par l’OMS en 1977 (1). De même, la poliomyélite a vu sa fréquence diminuer de 99% depuis 1960 (2). Pour ces deux affections graves il est évident que ce sont les politiques de vaccinations obligatoires qui en ont eu raison. Le nier procède de l’ignorance ou de la mauvaise foi.

"Certaines épidémies graves du passé n’ont pas été éradiquées par les vaccins."

La peste et le choléra qui ont décimé des populations n’ont pas été éradiquées par les vaccins parce que l’on a bien identifié les modes de contagion et qu’il a été possible dès lors de les prévenir. Pour la peste c’est le bacille de Yersin inoculé par les puces du rat noir (3), pour le choléra c’est vibrion du choléra qui est d’origine fécale (4). Outre l’hygiène préventive, les antibiotiques sont efficaces. Ce n’est pas une raison pour nier l’efficacité des vaccins pour d’autres affections.

"Les adjuvants sont toxiques et cause de maladie parfois graves."

Un adjuvant est indispensable pour conférer aux particules vaccinales un pouvoir immunisant suffisamment puissant et assez étalé dans le temps. L’aluminium est le plus décrié des adjuvants (5): huit experts français (6) ont collationné en 2003 le bilan monumental des études épidémiologiques connues. Ils concluent qu’une neurotoxicité de cet élément ne se manifeste que si l’aluminium atteint pendant un certain temps la concentration sanguine 60 µg/L. Cela n’a été observé que dans une des trois circonstances suivantes :

- chez les patients sous dialyse rénale avant que l’on ne réalise la présence de ce métal dans les solutions utilisées,

- chez les travailleurs de l’industrie de l’aluminium,

- chez les patients qui utilisent pendant une longue période des antiacides gastriques qui en contiennent.

L’aluminium vaccinal est lui injecté dans le muscle et y reste au point que ce dépôt est appelé le "tatouage vaccinal". Ce mécanisme ne peut donc être invoqué pour expliquer une toxicité systémique.

Le thiomersal, un autre adjuvant organo-mercuriel, n’est utilisé comme antiseptique que dans les flacons multi dose. La toxicité est négligeable d’autant plus qu’il s’agit d’éthyl-mercure et non de méthyl-mercure plus toxique.

Le phosphate de calcium, considéré peu toxique a été essayé mais une étude de l’Académie de Médecine de 2012 (7) l’a rejeté pour son pouvoir adjuvant trop faible.

"L’aluminium provoque des maladies auto-immunes."

La stimulation vigoureuse de l’immunité réalisée par l’injection du vaccin et de son adjuvant serait, selon les opposants (8), susceptibles de favoriser une réaction aberrante et la formation d’auto-anticorps. C’est ce qui les autorise à accuser les vaccins d’une série importante et variée de maladies auto-immunes. Même si ce n’est qu’une vue de l’esprit, cette explication est assez interpellante.

D’autre part il est quasi impossible d’établir une épidémiologie cohérente tant les chiffres avancés par les uns et les autres sont différents. Pourtant des millions, si pas des milliards de doses ont été administrées de par le monde et des sujets exposés à ces maladies ont sans doute été vaccinés. Mais quel est alors le lien de cause à effet si cela ne ressort pas clairement de l’épidémiologie ?

Ghérardi de Paris (9) décrit une myofasciites à macrophages, maladie auto-immune qu’il considère comme une complication vaccinale. Ces patients sont atteints d’une fatigue musculaire chronique et il pense que le dépôt persistant d’aluminium vaccinal sur le site d’injection serait le témoin de cette réaction immune aberrante. Mais d’autres auteurs (10) lui ont objecté que cette explication n’est qu’une hypothèse sans mécanisme clair. Ces patients sont peut-être victimes d’une autre maladie auto-immune qui n’a pas été explorée. Enfin, pourquoi cette sorte d’épidémie se serait-elle limitée à la France ? La surveillance n’est pas moindre sur d’autres continents.

Shoenfeld de Tel-Aviv (11)(12) a observé chez des militaires poly vaccinés qui revenaient de la Guerre du Golfe, une série de cas de fatigue chronique qu’il a appelé Asia syndrome (Autoimmune Syndrome Induced by Adjuvants) et qu’il attribue aux adjuvants. Il relève que certains patients seraient dix fois plus exposés s’ils sont porteurs de l’allèle HLA-DRB1*01. Des chercheurs de Montpellier (13) dans un travail qui étudie la fréquence de cette allèle dans une population souffrant de polyarthrite, la compare à des témoins sains qui eux sont environ 20% à être porteurs de l’allèle HLA-DRB1*01. Il n’y pas, quelle que soit l’origine de statistiques, 20 % d’accidents post-vaccinaux !

En fait la cause des maladies auto-immunes est complexe et largement méconnue (14). De très nombreux facteurs ont été identifiés et la prédisposition génétique, souvent multiple, n’est elle aussi que partiellement identifiée. Une infection virale ou bactérienne peut être l’amorce de la réaction associée à un autre facteur déclenchant. Ce dernier est attribué à l’adjuvant par les opposants.

Ce rôle reste toutefois une hypothèse non formellement démontrée car pour qu’il y ait un accident il faut la conjonction de très nombreux facteurs parmi lesquels la vaccination joue peut-être un rôle.

Il est donc impossible de démontrer que la vaccination intervient dans le risque pas plus qu’il n’est possible d’affirmer qu’elle ne joue aucun rôle. Mais la relation de cause à effet doit toutefois être peu importante si on met en relation les millions, si pas les milliards de doses administrées en regard du faible nombre d’accidents. D’autant plus que selon Gherardi les maladies qu’il décrit ne débutent que 5 à 14 ans après la vaccination. Comment savoir s’il le patient n’a pas été touché par un des très nombreux facteurs de risques entretemps?

"Les vaccins peuvent contenir des particules infectantes."

En 1932 à Lubëck (15) une pollution des préparations du BCG avaient été contaminées par du bacille de Koch virulent et avaient causé l’infection et la mort de 30% des enfants vaccinés. Les garanties apportées aujourd’hui par l’industrie et les contrôles sanitaires rendent une telle contamination improbable bien que ce risque reste exploité par les opposants aux vaccins.

"Les vaccins n'apportent pas de protection."

La caisse de résonnance médiatique égare l’esprit critique (16) et à force de parler des effets secondaires réels ou supposés on finit par perdre de vue les dangers réels dont ils nous protègent. Si 85% de la population est vaccinée, une épidémie peut être enrayée. Ainsi considérée, la vaccination est un devoir civique. Le problème est qu’elle est administrée à des patients en bonne santé et qu’aucun incident n’est toléré surtout s’il s’agit d’une affection dont on connait mal la pathogénie. Des plaintes aboutissent alors en Justice dont les critères ne sont pas toujours ceux des scientifiques.

D’aucuns pensent qu’il serait préférable de laisser évoluer une maladie bénigne ce qui procurerait une immunisation supérieure. Outre le fait que ce n’est pas prouvé, il existe des cas de communautés aux Pays-Bas (17) qui avaient refusé la vaccination et dont des enfants sont décédés de rougeole, cette maladie "bénigne". Les exemples de la réapparition de maladies disparues dans des zones dépourvues de prévention vaccinale sont légion. La réapparition récente de la rougeole et la mortalité qui en est le corollaire en est une autre illustration.

Conclusion

S’il est impossible de démontrer formellement l’absence de tout risque de la vaccination, on n’a pas démontré non plus la réalité de toutes les complications qu’on lui attribuées. On peut comprendre la souffrance des patients à qui la science n’apporte que peu d’explication à leur affection, mais il est profondément immoral d’exploiter cette souffrance pour défendre un abstentionnisme coupable.


=> Références

1 – OMS, Résolution, WHA du 08.05.1980

2 – OMS, Aide-mémoire nr 114, octobre 2015

3 – Devignat K, OMS, Aide-mémoire nr 267, novembre 2014

4 – OMS, Aide-mémoire nr 107, juillet 2015

5 – Entre-aide aux malades de myofasciites à macrophages, vaccins et sels

d’aluminium , novembre 2013

6 – Institut de veille sanitaire de France, Synthèse des études épidémiologiques (184 p), InVS, Afssa, Afssaps 2003

7 – Les adjuvants vaccinaux, quelle actualité en 2012 ? Bull.Acad.Natl.Méd.., 2012, 196, nr 116 : 1177-1181

8 – Fassa P., Maladies auto-immunes et vaccins : un lien incontestable,« Initiatives citoyennes », 15.08.2012

9 – Gherardi R.K. and alii, Macrophagic myofasciitis, an emerging entity, Lancet, 1998, 352: 347-352

10 –OMS, myofasciite à macrophages et vaccins contenant de l’aluminium, Rapport du comité consultatif, octobre 2015

11- Shoenfeld Y., « ASIA » syndrome auto-immunitaire//inflammatoire induit par les adjuvants J. Autoimmunity, XXX, 2010, 1-5

12- Perricone C., Shoenfeld and alii, Autoimmunity/inflammatory syndrome induced by adjuvants (ASIA), J. Autoimmunity, 47, 2013, 1-6

13- Eliaou J.F., HLA et maladies, Faculté de Médecine de Montpellier, mise en ligne 27.04.2009

14- Les adjuvants vaccinaux, une question controversée, Comptes rendus de l’audition publique du 22.05.2014 à l’Assemblée Nationale Française

15 -Calmette A., The Lübeck disaster, The Lancet, 1932, 1, 365

16 –Joyeux H., Site officiel, hhtp://bitly/PetitionDTPpolio

17- OMS : controverse sur la vaccination, octobre 2011

 

Publié par La Libre, le 12 mars 2019

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