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Pourquoi l'Académie israélienne des Sciences et Lettres a-t-elle élu le charlatan anti-vaccin Yehuda Shoenfeld dans ses rangs ?

Au fil des années, j'ai souvent mis en garde contre l'infiltration de la pseudoscience dans ce que devrait être la médecine scientifique (c'est-à-dire la médecine conventionnelle) sous la forme de l'"intégration" du charlatanisme dans la médecine avec l'étiquette de "médecine intégrative". Cependant, cette infiltration est souvent subtile et un nombre déprimant de partisans de la médecine intégrative pensent qu'ils préconisent une science rigoureuse alors qu'ils ne font rien de cela. Cependant, j'ai rarement vu quelque chose de semblable à ce que j'avais vu dans un article du mois dernier sur For Better Science à propos du célèbre scientifique israélien devenu "scientifique" antivaccin, Yehuda Shoenfeld :

"Yehuda Shoenfeld, expert en charlatanisme de l'auto-immunité qui aime s'associer et prendre de l'argent à des personnages antivax les plus notoires, a été élu membre de l'Académie des Sciences et des Lettres d'Israël. L'annonce a été faite le 16 juin 2019 et une cérémonie officielle aura lieu en décembre pendant l'Hanoucca 2019. Les raisons de ce cadeau de Noël précoce aux anti-vaccins du monde entier ne sont pas claires, mais il semble qu'il y ait beaucoup d'argent et de gros réseaux impliqués. Shoenfeld est présenté comme le parrain de la recherche sur l'auto-immunité en Israël et au-delà, car selon lui, toutes les maladies sont causées par des réactions auto-immunes. Y compris l'autisme, qui selon Shoenfeld et ses amis antivax est causé par des adjuvants inflammatoires à base d'aluminium contenus dans les vaccins. Par exemple, le professeur Shoenfeld a expliqué comment l'aluminium contenu dans les vaccins empoisonnent les gens lors d'une interview vidéo réalisée par BMC Medicine en 2013. Le prétexte était un article dans ce journal que Shoenfeld a coécrit et qui contient des données inventées."

En plus de décrocher ma mâchoire, j'ai fait un double facepalm après avoir lu cela. Une pensée m'est venue immédiatement; deux en fait. D'abord, je me suis demandé comment cela peut-il se produire. Comment un scientifique anti-vaccin peut-il être élu au plus haut niveau de la science israélienne ? Ensuite, je me suis dit que je ne parlais pas suffisamment de Shoenfeld en regard de sa place prépondérante dans la promotion de concepts anti-vaccins. Peut-être parce qu'il n'est ni nord-américain, ni européen. Peut-être parce qu'il n'est pas très connu en dehors d'Israël, si ce n'est dans le monde des anti-vaccins. Cependant, dans les milieux anti-vaccins, il est extrêmement influent, ayant inventé un faux diagnostique appelée ASIA (Autoimmune Syndrome Induced by Adjuvants ou syndrome auto-immun induit par les adjuvants). 

J'ai souvent répété que, lorsqu'il s'agit de pseudoscience et de théories du complot anti-vaccinales, l'aluminium est le nouveau mercure depuis que le mercure sous la forme de thimérosal, qui était utilisé dans les vaccins pédiatriques comme conservateurs, était présent en abondance (ou comme certains l'on prétendu, en surabondance), mais retiré en 2001 des vaccins pour enfants en application du principe de précaution. Étant donné que les sels d'aluminium sont toujours utilisés comme adjuvants pour améliorer la réponse aux antigènes utilisés dans le vaccin et ainsi permettre d'utiliser moins d'antigènes, il était assez prévisible que les anti-vaccins se tournent vers l'aluminium. Si vous voulez connaître l'une des principales raisons pour lesquelles les anti-vaccins ont transformé l'aluminium en nouveau mercure comme cible de leur campagne de peur, ne cherchez pas plus loin que le concept d'"ASIA" de Shoenfeld. Si vous voulez savoir pourquoi, hormis le sexe et les maladies sexuellement transmissibles, les anti-vaccins se concentrent sur le Gardasil et le Cervarix (vaccins contre le VPH - papillomavirus), ne cherchez pas plus loin que l'ASIA, car les vaccins contre le VPH utilisent de l'aluminium comme adjuvants. En effet, les anti-vaccins invoquent l'ASIA (et d'autres déductions douteuses) pour affirmer à tort que la vaccination contre le VPH peut provoquer une insuffisance ovarienne prématurée et même la mort.

Avant de parler de l'ASIA et des raisons pour lesquelles il est au mieux hautement douteux, évoquons d'abord Yehuda Shoenfeld.

Qui est Yehuda Shoenfeld ?

Yehuda Shoenfeld

Quand j'ai commencé à écrire cet article de blog, je me suis souvenu avoir appris qui est Yehuda Shoenfeld en 2011, lorsque j'ai examiné un film de propagande anti-vaccin déguisé en documentaire, The Greater Good (un prédécesseur du film VAXXED de Andrew Wakefield et Del Bigtree), dans lequel je notais à la fin du générique du film que "ce film a été approuvé par le Dr Lawrence D. Rosen, MD, FAAP, et le Dr Yehuda Shoenfeld, MD, FRCP, pour son exactitude scientifique et médicale." Etant donné que The Greater Good est de la pure propagande anti-vaccinale et que le Dr Rosen est un "pédiatre intégrateur" réputé pour répandre des informations erronées anti-vaccinales, qui a été conférencier lors d'une célèbre conférence anti-vaccin en Jamaïque en 2011 avec une brochette de "stars" anti-vaccins, dont Andrew Wakefield, Barbara Loe Fischer, Lawrence Palevsky, Christopher Shaw, Lucija Tomljenovic, Russell Blaylock, et bien d'autres, j'avais comme première impression que Yehuda Shoenfeld est un anti-vaccin.

Bien sûr, ce dont je ne me souvenais pas, c'est que c'est trois ans plus tôt que j'avais entendu parler de Yehuda Shoenfeld, grâce à Neurodiversity, le regretté blog de Kathleen Seidel. Il n'est plus en ligne, mais heureusement, il a été conservé par la toute-puissante Wayback Machine de Archive.org. Disons juste que, au début de mon blog, Seidel m'a appris l'existence de Mark et David Geier (l'équipe père-fils de la pseudoscience anti-vaccinale et de la castration chimique comme traitement de l'autisme "induit par les vaccins"), l'Association of American Physicians and Surgeons (AAPS), et bien d'autres choses encore. Il s'avère qu'en 2007, elle avait écrit à Shoenfeld au sujet d'un article de Mark et David Geier qu'il avait avait publié puis rétracté dans la revue qu'il co-édite, Autoimmunity Reviews. L'article évoquait la "justification" biochimique (si on peut l'appeler ainsi) d'utiliser la castration chimique pour des enfants autistes. Dans la lettre, on demandait pourquoi l'article avait été retiré :

"Après la rétractation, j'ai appris que le Dr Shoenfeld avait reçu une indemnisation de la société de services juridiques britanniques pour ses services rendus aux plaignants dans le cadre du litige sur le ROR, actuellement suspendu, dans lequel le Dr Geier a également été impliqué. Je n'ai reçu aucune réponse à ma lettre initiale au Dr Shoenfeld. Une copie papier que j'ai posté à son bureau à l'Université de Tel Aviv m'a été retournée avec la mention "Pas à cette adresse". Mon email de suivi du 23 janvier 2007 reste sans réponse. Le Dr Shoenfeld a également refusé de répondre aux questions du journaliste Brian Deer par email et par téléphone. à propos de la rétractation du British Medical Journal. Je pense comprendre que la rétractation est généralement réservée aux cas avérés de fraude ou de manquement scientifique. Bien que je sois heureuse que l'étude du Dr et de M. Geier ait été rétractée, je suis troublé par la réticence de M. Shoenfeld à répondre aux questions ou à donner une explication de fond sur cette rétractation. L'obligation de divulgation complète devient particulièrement urgente quand une étude rétractée concerne une expérimentation pharmaceutique sur des enfants vulnérables et handicapés."

Shoenfeld n'a pas répondu. Le Dr Alan Tyndall de l'Université de Bâle et le Dr Rolf Zinkernagel, immunologiste lauréat du prix Nobel, ont poursuivi sa demande. Quelle leur a été la réponse de Shoenfeld ? Pas bonne :

"Cette question entre la dame et les Geier est une vendetta émotionnelle et non une question scientifique. L'étude n'a pas été publiée dans notre journal!! Nous n'avons besoin d'aucun rapport de qui que ce soit, excepté des auteurs sur la raison pour laquelle leur étude n'a pas été publiée. Je suis conscient que cette femme est "malade" également sur d'autres aspects et dans d'autres domaines. Elle écrit à tout le monde et cela devient une nuisance. Nous avons décidé de ne pas répondre aux courriers électroniques, etc."

Ainsi, Yehuda Shoenfeld n'a pas été que condescendant, il a aussi été sexiste, rejetant les questions de Seidal au nom d'une "vendetta émotionnelle". Elle a également prouvé l'association de longue date de Shoenfeld avec des anti-vaccins, notamment en tant que témoin expert de plaignants. Dans cette affaire, l'avocat était justement Clifford Shoemaker, qui avait jadis cité à comparaître Seidel par rapport à des méthodes d'enquête excessives, qu'il illustrait par de fallacieuses théories du complot, avec notamment un détail particulièrement amusant sur la façon dont David, le mari de Kathleen Seidel, avait pris le contrôle de Wikipédia (à l'époque, dénigrer Wikipédia était un passe-temps de zozo bien plus qu'aujourd'hui.) Il n'y a vraiment rien d'étonnant à ce que Seidel ait décrit Shoenfeld comme un "ami extrêmement utile" du mouvement anti-vaccins, et le commentateur Smut Clyde a indiqué :

"Donc, Shoenfeld fait partie du lobby anti-vaccin, du moins dans l'esprit des anti-vaccins de True Believers. La preuve en est que son nom est le plus prisé dans les tweets (avec les Drs Exley, Shaw, Gherardi et Luján en figures d'autorité moins importantes). Je peut prédire avec certitude qu'ils tireront parti du mieux possible de son intronisation à l'Académie des Sciences pour justifier tout ce qu'ils disent."

Et :

"Mais il se peut que je mette la charrue avant les bœufs. Shoenfeld s'est également aussi distingué avec le concept d'auto-immunité, qu'il évangélise avec un zèle prophétique et prosélyte, cherchant à l'entériner au cœur de la recherche et de la pratique médicale. Comme David Attenborough est associé à la nature, comme Carl Sagan était associé au Cosmos, Shoenfeld est associé à l'auto-immunité et il ne sera satisfait que quand il présentera un documentaire de la BBC en six parties sur le sujet."

Shoenfeld a même écrit un papier intitulé "Everything is AutoImmune Until Proven Otherwise" ("Tout est auto-immun jusqu'à preuve du contraire"). Bien entendu, l'ASIA est une manifestation de cette idée, elle résonne comme la tendance qu'ont les charlatans d'attribuer toutes les maladies à La Seule Véritable Cause Des Maladies. Evidemment, le fait qu'il parle lors de conférences que l'on peut clairement décrire d'anti-vaccinales, comme celles parrainées par le Children's Medical Safety Research Institute (CMSRI), un "institut" anti-vaccin anciennement financé par la famille Dwoskin et dédié au financement de la "recherche" anti-vaccinale, n'aide pas. Smut note également que "le vaste Empire de l'Auto-immunité" de Shoenfeld est étroitement lié à la pseudoscience anti-vaccinale :

"Il est toutefois indéniable que ce vaste empire de l'Auto-immunité est intimement lié à la rhétorique antivax. Au cœur des 8ème, 9ème, 10ème et 11ème congrès internationaux sur l'auto-immunité de Shoenfeld à Grenade, Nice, Lisbonne et Leipzig, les noyaux autour desquels ils se sont cristallisés, nous trouvons (respectivement) les 2ème, 3ème, 4ème et 5ème symposiums internationaux sur les vaccins, et il s'agissait bien d’événements anti-vaccins."

Je note que lors du 5ème symposium international sur les vaccins, c'est ni plus, ni moins que l'antivax Claire Dowskin qui a écrit :

"Le cinquième symposium international sur les vaccins, sponsorisé par le Children's Medical Research Institute (CMSRI), a annoncé la liste des orateurs pour l’événement à venir au Portugal. Le symposium, qui a lieu le premier jour du congrès bisannuel sur l'auto-immunité, rassemble des chercheurs en médecine du monde entier qui partagent les dernières recherches en matière de sécurité des vaccins et les liens potentiels entre les adjuvants vaccinaux et des réactions auto-immunes indésirables. Pour voir le programme complet, cliquez ici. "Les recherches critiques sur ce sujet ne sont pas toujours bien accueillies lors d’événements sponsorisés, en grande partie, par les fabricants de vaccins, mais il est essentiel que les scientifiques qui examinent courageusement les causes potentielles de l'épidémie actuelle de maladies auto-immunes soient en mesure de discuter de leurs découvertes", a declaré Claire Dwoskin, fondatrice et présidente du CMSRI. "Les projets de recherche collaboratifs conçus ou réalisés à la suite de ce symposium sont vraiment révolutionnaires." Le professeur Christopher Exley, professeur en chimie bio-inorganique à la Kele Univeristy en Angleterre, est l'organisateur du symposium. Exley et son équipe de chercheurs seront présentés au symposium, en plus des conférenciers énumérés ci-dessous. Les éléments suivants sont des résumés de chaque présentations (remarque : les recherches financées par le CMSRI sont surlignées en violet)."

L'introduction du 4ème symposium international sur les vaccins a annoncé ses questions clé somme suit :

  • Quel rôle les vaccins jouent-ils dans le déclenchement de l'auto-immunité ?
  • Existe-t-il des vaccins sans danger pour les sujets génétiquement prédisposés ?
  • Peut-on vacciner contre les maladies auto-immunes ?
  • Quel est le rôle des adjuvants et/ou du mimétisme moléculaire dans les vaccins induisant des maladies auto-immunes ?
  • Est-il sûr de vacciner les patients atteints de maladies auto-immunes ?

En 2016, Claire Dwoskin a fait l'éloge de Shoenfeld :

"Merci pour tout ce que vous avez fait pour aider les gens, organiser un excellent congrès et fournir une tribune sur la question des vaccins et des adjuvants."

Yehuda Shoenfeld est donc bien un anti-vaccin, car il croit que les adjuvants vaccinaux provoquent un syndrome d'auto-immunité. Il a également beaucoup écrit sur l'auto-immunité, avec (à ce jour) 66 livres édités, 161 chapitres de livres et 1986 articles. Comme indiqué dans For Better Science, le professeur Shoenfeld était affilié au Sheba Medical Center de Tel Hashomer et à la faculté de médecine de Sackler, et est maintenant professeur émérite de cette dernière. Il a dirigé le Zabludowicz Center for Autoimmune Diseases à Sheba, financé par le milliardaire finnois-britannique Poju Zabludowicz. Avant sa promotion, Shoenfeld était un nom très réputé dans le monde de la science en Israël. Après sa promotion, il le sera encore plus.

Schneider note que Zabludowicz apprécie aussi faire des dons à des politiciens de droite, y compris le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Il a probablement été nommé ainsi :

De plus, vu les flux d'argent, l'affiliation à l'hôpital Sheba serait à l'origine de l'influence de Shoenfeld sur la scène politique et universitaire israélienne. Par exemple, Ehud Grossman, le doyen de Sackler, est cliniquement affilié au Centre Sheba. Des sources ont révélés que c'est probablement Gidi Rechavi and Uri Seligsohn, tous deux très influents, plus un troisième gros poisson de l'Université e Tel Aviv, qui ont proposé le nom de Shoenfeld comme membre de l'académie. Incidemment, juste avant que Shoenfeld ne devienne membre de l'Académie, le Sheba Medical Center avait annoncé une accointance anti-vaccinale, mais le communiqué de presse et même sa version archivée ont été supprimé en mai 2019 (heureusement, les fans paranoïaques de Shoenfeld ont vite fait des copies d'écran et une autre copie en mars 2019) :

"Un médecin israélien de premier plan accuse les vaccins de contribuer à l'augmentation des maladies auto-immunes [...]

"Tout au long de notre vie, le système immunitaire normal fait la part des choses entre préserver des réactions immunitaires normales et développer des maladies auto-immunes", indique l'article. "Le système immunitaire en bonne santé est tolérant aux autoantigènes. Lorsque l'auto-tolérance est perturbée, il s'en suit une dérégulation du système immunitaire, ce qui entraîne l'émergence d'une maladie auto-immune. La vaccination est l'une des conditions susceptibles de perturber l'homéostasie chez les individus sensibles, résultant en des phénomènes auto-immuns et l'ASIA." [...] Le Dr Shoenfeld résume : "... de nombreux rapports décrivant l'auto-immunité post-vaccinale suggèrent fortement que les vaccins peuvent effectivement déclencher l'auto-immunité. Les maladies auto-immunes définies qui peuvent survenir après la vaccination comprennent l'artgrite, le lupus (lupus érythémateux disséminé, LED), le diabète sucré, la thrombopénie, le syndrome de Guillain-Barré et des troubles démyélinisants. Et presque tous les types de vaccins ont été associés à l'apparition de l'ASIA."

Mais donc, selon Shoenfeld, qu'est-ce que l'ASIA ?

Le syndrome d'auto-immunité induit par des adjuvants (ASIA) : un diagnostic bidon

Comme le note également Smut Clyde :

"Comme David Attenborough est associé à la nature, comme Carl Sagan était associé au Cosmos, Shoenfeld est associé à l'auto-immunité et il ne sera satisfait que quand il présentera un documentaire de la BBC en six parties sur le sujet." L'ASIA est sa quête de célébrité, le "lien entre l'auto-immunité et la ferveur antivax, qui atteint une sorte d'apothéose avec l'ASIA,", également connu sous le nom de "syndrome de Shoenfeld" dans les moments les moins modestes de l'auteur." Comme noté plus loin, inventer un nom de "syndrome", que le syndrome soit réel ou non, est gagnant, car "en utilisant simplement ce nom, les gens acceptent votre hypothèse".   

Encore une fois, qu'est-ce que l'ASIA ? Le meilleur résumé de ce que c'est est peut-être la vidéo publiée par BMC Medicine dans laquelle Shoenfeld l'explique avec ses propres mots. Si vous lisez la transcription, vous verrez que la définition de l'ASIA est tellement vague que presque toutes les anomalies immunitaires peuvent y être classées, à condition que le patient ait déjà été exposé à un adjuvant, en particulier s'il s'agit d'un adjuvant vaccinal. Par exemple, voici la réponse de Shoenfeld à la question "Qu'est-ce que l'ASIA ?" :

"L'ASIA est un nouveau syndrome, qui fait référence aux syndromes auto-immuns induits par les adjuvants. Il inclut plusieurs affections qui ne sont pas pleinement qualifiées de maladies auto-immunes telles que le lupus systémique, la polyarthrite rhumatoïde ou la sclérodermie mais ceux-ci sont induits par une stimulation chronique du système immunitaire par des substances pouvant réagir comme des adjuvants. Cette stimulation chronique entraîne l'apparition de ces nouveaux signes et symptômes, notamment la fatigue, l'arthrite, les myalgies et les manifestations neurologiques."

Donc, fondamentalement, tout symptôme de fatigue, de douleurs articulaires, de douleurs musculaires ou de maux de tête pourrait être lié à l'ASIA ! Bien sûr, Shoenfeld ne se contente pas de limiter l'ASIA à une simple cause vaccinale, il englobe aussi le silicone provenant d'implants mammaires dans la catégorie "adjuvants", de telle sorte que les implants en silicone soient aussi une cause de l'ASIA - parce que pourquoi pas ? Alors, quels sont les critères pour diagnostiquer l'ASIA ? Les charlatans vont adorer la réponse de Shoenfeld :

"Nous avons publié les critères et les avons classé comme nous le faisons habituellement avec différentes maladies auto-immunes, notamment en critères majeurs et mineurs. Les critères principaux comprennent des manifestations cliniques telles qu'une fatigue intense, un sommeil insuffisant, une myalgie et une arthralgie; les critères mineurs incluent la présence de divers auto-anticorps et de HLA spécifique (par exemple, la DRB1). Cependant, comme je l'ai mentionné, bon nombre de ces patients risquent, au fil des années, de développer une maladie auto-immune mieux définie. Par exemple, s'ils développent une sclérodermie ou une sclérose systémique, ils auront la peau tendue, des complications aux poumons, aux reins, etc."

Notez l'astuce ici. Si vous avez toute une série de vagues symptômes qui ressemblent peut-être à une auto-immunité, vous pourriez développer l'ASIA, mais si vous développez une maladie auto-immune "mieux définie", c'est l'ASIA aussi ! Et tout cela est causé par des adjuvants de vaccins. Bien sûr, il y a pire que ça. Shoenfeld prétend aussi que le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) peut causer l'ASIA, malgré que, étant un vaccin à virus vivant atténué, il n'y a pas d'adjuvant (l'aluminium tuerait le virus). Il prétend même, à tort, que le ROR contient des adjuvants, tout comme j'ai vu des gens croire que le mercure dans les vaccins est la cause de l'autisme, alors que le ROR n'a jamais contenu de thimérosal. Il affirme également que l'ASIA peut résulter du vaccin oral contre la polio, qui n'a pas d'adjuvant et qui n'est pas injecté.

L'ASIA englobe également un certain nombre d'autres affections, notamment le syndrome de la guerre du Golfe, qui est le premier concept à avoir convaincu Shoenfeld, quand il prétend lier certains autoanticorps (des anticorps avec des autoantigènes, comme les protéines), prétendument induits par l'adjuvant de squalène utilisé dans le vaccin contre l'anthrax que les militaires avaient reçu avant leur mission. C'est un argument qui a depuis longtemps été réfuté. Le terme original a été inventé en 2011, mais bien avant cela, Shoenfeld en avait jeté les bases lorsqu'il a témoigné devant le tribunal des vaccins en faveur de plaignants. Fait intéressant, dans son recueil sur l'auto-immunité de 2015, il a écrit que de larges paragraphes du texte du document avaient apparemment été retirés de Wikipedia.

Mais quelle est la preuve de l'existence de l'ASIA ? Rien de très bon. La Nouvelle-Zélande a chargé Rohan Ameratunga, un spécialiste de l'allergie et de l'immunologie, d'examiner les preuves de l'existence de l'ASIA. Ses conclusions n'étaient pas tendres, comme l'indiquent deux articles de synthèse. Par exemple, Ameratunga et al. ont noté :

"Les données actuelles ne corroborent pas la causalité de l'ASIA par les adjuvants vaccinaux contenant de l'aluminium, ce qui devrait rassurer les patients subissant une immunisation systématique ainsi que ceux subissant une immunothérapie spécifique aux allergènes."

Dans une autre revue, Ameratunga et al concluent également :

"Nous avons récemment passé en revue l'ASIA telle que définie par ses auteurs. Nous avons démontré que la définition de l'ASIA est imprécise et inclut tous les patients atteints de maladie auto-immune ainsi que potentiellement toute la population. L'application des critères de causalité de Bradford Hill ne permet pas de considérer l'ASIA comme une conséquence de l'exposition à des adjuvants vaccinaux contenant de l'aluminium. Les défenseurs de l'ASIA mettent en avant les modèles animaux comme preuve de l'existence du trouble. Cependant, comme le démontrera cette analyse, les modèles animaux prétendant soutenir l'existence de l'ASIA présentent des défauts méthodologiques, analytiques et éthiques qui, à notre avis, réfutent l'existence de la maladie."

Dans une autre analyse, Hawkes et al note en outre :

"A l'heure actuelle, rien n'indique que le syndrome d'ASIA constitue une explication viable des maladies auto-immunes rares. Depuis le premier article, plus de 80 publications ont discuté de l'ASIA. Cette revue systématique examine les recherches qui ont été menées pour déterminer si l'ASIA est un terme générique ayant une faible signification clinique, ou s'il existe un mécanisme sous-jacent qui pourrait être utilisé pour réduire l'apparition d'une maladie à médiation par adjuvants. Vingt-sept études animales, épidémiologiques et des études de cas ont été passées en revue. Malheureusement, un modèle animal robuste d'ASIA utilisant des doses d'adjuvants biologiquement pertinentes n'a pas encore été défini. Il est également évident que les critères actuels relatifs à l'ASIA ne sont pas suffisamment rigoureux et que, par conséquent, très peu de de cas de maladies auto-immunes pourraient être exclus d'un diagnostic d'ASIA. Les études actuelles portant sur des cas humains sont si diverses, tant en terme de stimuli externes que de conditions résultantes, qu'il existe actuellement un manque de preuves reproductibles de toute relation cohérente entre un trouble auto-immun et des adjuvants."

L'Organisation Mondiale de la Santé ne soutient pas le concept de l'ASIA causé par les vaccins, en particulier le vaccin anti-VPH.

Helen Petousis Harris a été plus directe et a qualifié l'ASIA d'"arnaque" et de "sorte de fourre-tout nébuleux de maladies chroniques qui inclut la fatigue". Elle a appliqué les six étapes du "jeu de la confiance" à la création et la promotion de l'ASIA. La première étape est la fondation, avec tous les articles que Shoenfeld et ses associés ont écrits dans des revues de qualité médiocre et dans lesquelles Shoenfeld siégeait au comité de rédaction. Personnellement, je ne sais pas si Shoenfeld est un escroc ou pas. Il pourrait même réellement croire en l'ASIA. Cependant, l'ASIA soulève beaucoup de problèmes auxquels Shoenfeld, sciemment ou pas, contribue. 

De nombreuses autres sources critiquent la médiocre science de Shoenfeld et ses liens intimes avec le mouvement anti-vaccin, comme cet article de Vincent Iannelli de Vaxopedia [la traduction de cet article est ici] et celui de notre ami Skeptical Raptor, qui qualifie l'ASIA de mythe anti-vaccin, car c'en est un.

Pire, comme le notent Smut Clyde et Leonid Schneider, la publication de Yehuda Shoenfeld est également problématique. Il le démontre en publiant une lettre d'un professeur israélien d'immunologie clinique à Nili Cohen, universitaire en droit à l'Université de Tel Aviv et président de l'Académie israélienne des Sciences et des Lettres. Après avoir constaté que Shoenfeld ne possède aucune formation en immunologie et que de graves inquiétudes ont été exprimées quant à la reproductibilité de son travail, cet immunologiste a ensuite observé:

"3. Cependant, tout chercheur raisonnable ayant déjà travaillé dans la recherche biomédicale sait qu'aucun être humain ne peut publier 1.939 articles, à moins que ceux-ci ne reflètent le travail de centaines de chercheurs, pour lequel la contribution du Dr Shoenfeld est insignifiante. 4. Pour rendre ces résultats tangibles, voici quelques simples calculs : En 2007, il a publié 110 articles, soit 2,11 par semaine ou 0,3 par jour. En 2017, sa productivité a été réduite à 80 papiers, soit 1,54 par semaine ou 0,21 par jour. Si il a déjà existé un faiseur de miracles, ce serait le Dr Shoenfeld. 5. Le Dr Shoenfeld possède également un record de citation impressionnant : 58.116 citations (dont 8.704 auto-citations !). Les membres de l'Académie des Sciences d'Israël auraient dû examiner de près les trois articles les plus cités (3158, 1739 et 1048 citations). Ils ont respectivement 16, 32 et 24 auteurs, dont le Dr Shoenfeld se trouve quelque part au milieu. Tous trois sont des documents de consortiums traitant de nomenclature et de revues de groupes de patients. On s'attendrait à ce que les articles les plus cités par un scientifique soient représentatifs de son meilleur travail. Le reste des 1.939 articles est un pot-pourri de divers domaines de la médecine, allant de la fumée de tabac, à la vitamine D, en passant par les maladies inflammatoires de l'intestin, pour n'en citer qu'une minorité."

La lettre conclut en faisant part de son inquiétude sur l'"erreur" que représente la nomination de Shoenfeld qui signifie "que l'Académie Israélienne des Sciences s'émerveille devant de l'auto-promotion, le statut de "célébrité", ainsi que par des recommandations biaisées et manquant d'objectivité, et non par un système objectif de valeurs". Bien sûr, cela représente un risque pour toutes ces académies prestigieuses, pour lesquelles la politique peut parfois avoir plus d'importance que l'excellence scientifique. Des amis et des scientifiques influents de l'académie nomment des amis et des scientifiques influents aux points de vue semblables. Il en résulte qu'un hurluberlu anti-vaccin tel que Yehuda Shoenfeld est nominé et élu à l'Académie israélienne des Sciences et des Lettres. Avoir Yehuda Shoenfeld comme membre de l'Académie israélienne des Sciences et des Lettres est un gâchis pour la communauté scientifique israélienne et ce sera utilisé par les anti-vaccins pour promouvoir leur pseudo-science.

Publié par Respectful Insolence, le 8 juillet 2019

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