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Auto-immunité et vaccin contre le VPH - encore de la mauvaise science de la part de Shoenfeld

Alors que le professeur Dorit Rubinstein Reiss avait récemment publié un article qui critique bon nombre d'idées antivaccinales du Dr Yehuda Shoenfeld, notamment le risque de maladies autoimmunes induites par le vaccin contre le VPH, nous avons à examiner et critiquer un nouvel article de Shoenfeld qui tente de montrer pourquoi le vaccin contre le VPH pourrait être une cause d'auto-immunité. Spoiler alert - ça ne sent pas très bon.

Pour une raison ou l'autre, le vaccin contre le VPH a récemment été la cible des "études" de Shoenfeld. Il a trouvé cette niche et il s'y engouffre. Et parce que les antivaccins adorent les arguments de fausse autorité, Shoenfeld est un héros pour eux.

L'affirmation selon laquelle le vaccin contre le VPH provoque une auto-immunité est-elle valide ? Pas vraiment, mais lançons-nous dans une critique scientifique.

L'auto-immunuté due au vaccin contre le VPH existe t'elle ?

Avant d'aborder l'article sur l'auto-immunité due au vaccin contre le VPH, prenons un peu de hauteur. Shoenfeld utilise l'un des principes fondamentaux de la pseudoscience : il invente une conclusion décrédibilisée, puis, il fait tout ce qu'il peut pour construire son récit.

La vraie science accumule des preuves en utilisant la méthode scientifique et c'est seulement alors qu'un bon scientifique voit où le mènent ces preuves.

Shoenfeld a inventé quelque chose qu'il appelle l'ASIA - syndrome auto-immunitaire induit par les adjuvants - qu'il décrit comme un risque résultant de l'administration du vaccin contre le VPH. Cependant, il n'y a tout simplement aucune preuve de l'existence de l'ASIA.

Ce concept n'est pas reconnu par la communauté scientifique et médicale (voir cet article publié à ce propos), il a été rejeté par le tribunal des vaccins aux Etats-Unis dans le cadre d'un procès pour dommage post-vaccinal, et ne devrait pas été pris en compte par les parents qui doivent décider de vacciner leurs enfants.

En outre, l'Agence Européenne du Médicament, qui est le principal organe de régulation des produits pharmaceutique dans l'Union Européenne, a rejeté tout lien entre le vaccin contre le VPH et diverses maladies auto-immunes. La science est en opposition directe avec les syndromes auto-immuns ayant pour cause les vaccins.

En outre, la respectée Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a scientifiquement rejeté le fait que la charlatanerie de l'ASIA (à supposer qu'elle existe) est causée par les vaccins, notamment le vaccin contre le VPH.

Il y a quelques temps, j'avais passé en revue une autre étude, qui était une étude épidémiologique de cas-témoins bien conçue. Selon l'étude publiée dans le Journal of Autoimmunity, les vaccins contre le VPH n'augmentent pas le risque de développer des maladies auto-immunes (MA). Cela s'ajoute au corpus de recherche, basé sur une méthodologie qui nous aide à établir corrélation et lien de causalité, qui rejette l'hypothèse selon laquelle le vaccin contre le VPH est lié à l'ASIA. 

Dans cette étude, les auteurs ont évalué le risque de maladies auto-immunes sur une période de 6,5 ans après une exposition aux vaccins contre le VPH (Gardasil quadrivalent et Cervarix bivalent) chez les adolescentes et les jeunes femmes utilisant des données du registre médical français, Pharmacoepidemiologic General Research eXtension (PGRx), La PGRx est une base de donnée de surveillance qui aide les chercheurs à suivre la survenue d'événements de santé rares ou décalés pouvant être liés à l'utilisation de médicaments, y compris de vaccins,

Voici les résultats publiés de l'étude :

  • Au total, 478 cas de maladies auto-immunes contre 1.869 témoins sans maladies auto-immunes ont été inclus dans cette étude de cas-contrôle. Une grande majorité des individus des groupes ayant une maladie auto-immune et contrôle ont reçu le vaccin Gardasil (95,3%). En outre, plus de la moitié de la population étudiée avait été exposée à au moins un autre vaccin au cours des 24 mois précédant son inclusion dans l'étude.
  • Le taux d'administration du vaccin contre le VPH était plus faible chez les patients atteints de maladies auto-immunes que chez les témoins sans maladies auto-immunes (10,9% contre 22,5%). 
  • Étonnamment, le risque observé de développer une maladie auto-immune était inférieur de plus de 40% dans le groupe recevant un vaccin contre le VPH. Une diminution similaire du risque de démyélinisation/sclérose en plaques et de thyroïdite auto immune a été observée dans le groupe vacciné contre le VPH. Les chercheurs ont observé une tendance statistiquement non significative de réduction du risque de maladie du tissu conjonctif et du diabète de type 1 après la vaccination.
  • Aucune corrélation n'a été trouvée entre l'exposition au vaccin contre le VPH et le purpura thrombocytopénique idiopathique. La relation entre l'exposition au vaccin contre le VPH et le syndrome de Guillain-Barré (SGB) n'a pas pu être établie car aucun cas de SGB n'est survenu chez les personnes ayant reçu un vaccin contre le VPH.  

Les auteurs concluent :

L'exposition aux vaccins contre le VPH n'a pas été associée à un risque accru de maladies auto-immunes au cours de la période étudiée. Les résultats étaient robustes par rapport aux définitions de cas et aux fenêtres temporelles d'exposition. Une surveillance active continue est nécessaire pour confirmer ce résultat pour les maladies auto-immunes individuelles.

Plusieurs autres études n'ont également montré aucun lien entre le vaccin contre le VPH et les maladies auto-immunes :

  • David Hawkes et al. ont conclu que "à l'heure actuelle, rien n'indique que le syndrome ASIA constitue une explication viable des maladies auto-immunes inhabituelles. Les études actuelles portant sur des cas humains sont si diverses, tant en ce qui concerne les stimuli externes que les maladies résultantes, qu'il existe actuellement un manque de preuves reproductibles de toute relation cohérente entre une adjuvant et maladie auto-immune." Bien que M. Hawkes utilise du verbiage scientifique typique de type "nous devons l'étudier davantage", il n'existe à l'heure actuelle aucune preuve de l'existence de l'ASIA.
  • Kristine Macartney et al. déclarent que "Nous avons identifié 109 études, dont 15 études sur la population portant sur plus de 2,5 millions de personnes vaccinées dans six pays. Tous les vaccins ont démontré un profil d'innocuité acceptable; Les réactions au site d'injection étaient légèrement plus fréquentes avec le vaccin 9-valent qu'avec celui 4-valent. Il n'y avait aucune preuve cohérente d'augmentation du risque d'événements présentant un intérêt particulier (EIIP), y compris de syndromes démyélinisants ou d'affections neurologiques telles que des syndromes de douleur régionaux complexes ou de tachycardie orthostatique posturale.
  • Lamiae Grimaldi-Bensouda et al. ont conclu que "l'exposition aux vaccins contre le VPH n'a pas été associée à un risque accru de maladies auto-immunes au cours de la période étudiée. Les résultats étaient robustes par rapport aux définitions de cas et aux fenêtres temporelles d'exposition. Une surveillance active continue est nécessaire pour confirmer ce résultat pour les maladies auto-immunes individuelles.
  • Rohan Ameratunga et al. ont convenu que "les données actuelles ne corroborent pas la causalité de l'ASIA par les adjuvants vaccinaux contenant de l'aluminium, ce qui devrait rassurer les patients subissant une immunisation de routine".

Ce sont toutes des études comportant de grands groupes de population, et les conclusions générales sont que l'ASIA, ou toute maladie auto-immune, n'est pas liée aux vaccins, y compris le vaccin contre le VPH. Nous n'avons tout simplement aucune preuve de l'auto-immunité du vaccin contre le VPH, pourtant Shoenfeld continue d'essayer de trouver un monstre dans le placard.

Voyons donc sa nouvelle étude.

L'ASIA de Yehuda Shoenfeld, une fois encore

Le nouvel article de Shoenfeld, publié dans une obscure revue à faible facteur d'impact, Pathobiology, a tenté de montrer qu'il existe un mécanisme biologiquement plausible pour montrer que les antigènes contenus dans le vaccin contre le VPH sont exactement similaires aux peptides présents dans diverses cellules de l'homme. Ainsi, les anticorps réagiraient de manière croisée entre les antigènes du VPH et les cellules humaines, provoquant de nombreuses affections auto-immunes, ou l'ASIA. 

Bien sûr, nous avons exposé un grand nombre de preuves selon lesquelles personne n'a jamais trouvé l'ASIA (même si il existe, rien n'indique qu'il soit lié aux vaccins). De toute évidence, Shoenfeld croit que cela existe, aussi va-t-il faire tout ce qui est en son pouvoir pour établir un mécanisme en ce sens.

Shoenfeld conclut que :

Immunologiquement, le partage massif de peptides entre les épitopes L1 de l'HPV et les protéines humaines invite à réviser le concept de sélection négative de lymphocytes autoréactifs. Sur le plan pathologique, les données mettent en évidence un potentiel de réactivité croisée pour un éventail de maladies auto-immunes, notamment l'insuffisance ovarienne, le lupus érythémateux disséminé, le cancer du sein et la mort subite, entre autres. Sur le plan thérapeutique, l'analyse des épitopes immunoréactifs déjà validés élimine le partage de peptides possiblement exempt d'auto-réactivité, définit le potentiel effectif de l'auto-immunité pathologique et permet de sélectionner des épitopes de peptides pour des protocoles immunothérapeutiques sûrs.

Mis à part le fait que le risque de cancer du sein semble être inversement lié aux maladies auto-immunes (en d'autres termes, il n'y a pas beaucoup de preuves que le cancer du sein est une maladie auto-immune), ni que l'insuffisance ovarienne et la mort subite sont liées aux vaccins, faisons appel à notre scepticisme à l'égard de cette "étude" sur l'auto-immunité induite par le vaccin contre le VPH.

1. Shoenfeld ignore qu'il existe de nombreux antigènes viraux qui partagent des composants au sein d'organismes. Presque aucune ne provoque de maladies auto-immunes. En d'autres termes, le partage d'"épitopes" n'est pas pertinent en soi pour les maladies auto-immunes. 

2. Certaines des protéines humaines examinées par Shoenfeld ne quittent jamais la cellule - elle ne seraient jamais attaquées par des anticorps (et ne conduiraient jamais à une sorte de réaction croisée auto-immune).

3. Ils n'ont pas établi que ces épitopes à réactions croisées entre l'homme et l'antigène du VPH induisent réellement une réponse immunitaire qui conduirait à une maladie auto-immune. C'est amusant, car ils essaient d'établir un mécanisme biologique, et là, ils ne le font pas.

4. Ils prétendent qu'une infection naturelle par le VPH n'induit pas ce mimétisme moléculaire, alors que le vaccin contre le VPH, pour induire une réponse immunitaire, contient les mêmes antigènes qu'un virus "naturel" du VPH. Je commence à avoir mal à la tête avec cette logique circulaire.

5. Shoenfeld affirme que "sur le plan clinique, un tel potentiel de réactivité croisé explique les multiples syndromes de maladies auto-immunes pouvant être provoqués par une infection / une immunisation active." Ils citent ensuite un article pour appuyer cette affirmation sauvage qui n'a en réalité rien à voir avec les vaccins ou la vaccination. C'est une étude de cas d'un patient atteint de thymome, un cancer du thymus. J'ai envie de me taper la tête contre mon bureau.

6. Le Dr David Hawkes a écrit, dans une discussion privée au sujet de cet article: "J'ai examiné les 30 premiers acides aminés de la protéine HPV16 L1 et il existe 26 séquences différentes présentant cinq acides aminés ! Si vous avez un gène qui produit une protéine de 500 acides aminés (ce n’est pas une grosse protéine), j’imagine qu’il y aurait une séquence de cinq acides aminés en commun avec au moins l’une des neuf séquences du VPH L1 du vaccin Gardasil9. N'oubliez pas que les types de VPH sont définis comme étant une séquence d'ADN différente de plus de 10% de celle de toute autre séquence de HPV de type L1." En d'autres termes, Shoenfeld a tenté de "prouver" que ces cinq séquences d'acides aminés réagissent de manière croisée avec des protéines aléatoires dans les cellules humaines - mais ces séquences sont si courantes qu'il est difficile de conclure qu'il y aura une réactivité croisée. Si l'on se base sur ce mensonge, alors n'imprte quel virus provoquerait l'effondrement d'un humain dans une mare de maladie auto-immune. Nous n’observons pas ce phénomène.

Cet article ne nous démontre rien en ce qui concerne l'ASIA, qui n'existe probablement pas, et le vaccin contre le VPH. Rien. Bien sûr, il est bien établi scientifiquement que les vaccins ne sont pas liés à l'ASIA, indépendamment du fait qu'il existe ou pas.

La seule raison pour laquelle on chercherait un mécanisme biologique comme celui-ci est pour essayer de montrer qu'il est raisonnable de croire que la corrélation entre les vaccins et l'ASIA peut établir un lien de causalité. Le problème de cette pseudoscience est que non seulement nous n'avons pas établi de corrélation, mais nous avons également clairement rejeté sa période d'existence.

Résumé

C'est une étude incroyable qui ne nous démontre rien. Il n'y a aucune preuve légitime, solide, publiée démontrant l'auto-immunité induite par le vaccin contre le VPH, telle que l'ASIA. Rien.

En fait, nous n'avons aucune preuve légitime, solide, publiée que l'ASIA, même si il existe, est lié à la vaccination, et à fortiori du vaccin contre le VPH. C'est une science bien établie, et le seul moyen de la "déstabiliser" est de nous fournir des preuves.

Le Dr Shoenfeld était autrefois un bon scientifique - malheureusement, il a dérapé avec ces histoires d'auto-immunité du vaccin contre le VPH. Il ne nous a pas encore prouvé l'existence de l'ASIA, ni d'un lien quelconque entre les vaccins et l'auto-immunité.

Cela devrait être sa première étape - mener une vaste étude épidémiologique ou clinique fournissant des preuves convaincantes sur l'ASIA. Ensuite, nous démontrer un mécanisme biologiquement plausible (et cette étude n'est pas cela, elle est réellement épouvantable).

Références

Publié par Skeptical Raptor, le 17 octobre 2019

 

Remarque de Ceci n'est pas Initiative Citoyenne : L'illustration de l'article représente un dessin de canard, En anglais, "quack" désigne aussi bien un canard qu'un ... charlatan. 

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