Ceci n'est pas Initiative Citoyenne

Pas assez d'études pour attester de la sécurité des vaccins ? Vraiment !?

En novembre 2018, le blog de désinformation antivaccinale Initiative Citoyenne publiait la traduction d'un article du blog non moins antivaccin, The Vaccine Reaction, un site qui sous prétexte de protéger votre santé, attaque violemment et sous tous les angles possibles et imaginables (y compris à coup de mensonges et de manipulations) la vaccination.

Dans cet article intitulé "Editorial du British Medical Journal: pas assez d'études pour affirmer la sécurité des vaccins", il est question d'un éditorial de Allan Cunningham, pédiatre antivaccin retraité, qui s'inquiète de la politique et du programme de vaccination aux Etats-Unis.

Initiative Citoyenne utilise là assez pathétiquement la notoriété de la célèbre revue scientifique BMJ (British Medical Journal) pour faire croire que ce pédiatre à la retraite a publié un éditorial. En fait, il a posté une réponse rapide à un article de Helen Bedford. Cela ne constitue absolument pas le début d'une preuve de quoi que ce soit. Mais bon, passons.

Seconde astuce toute aussi pathétique de la part des antivax pour se faire passer pour ce qu'ils ne sont pas : se constituer en association et adopter un nom qui sonne très officiel. Dans l'article traduit, il est fait référence au "Centre national d'information sur les vaccins" (NVIC). Eh bien non, ce "Centre" n'a rien d'officiel. Il s'agit ni plus, ni moins d'une association antivaccin qui utilise les ficelles habituelles de la pseudoscience antivaccinale. Entre antivaccins, ils se comprennent bien.

Les propos du Dr. Cunningham sont relayés par Initiative Citoyenne en ces termes : « Je doute que les vaccins soient une cause majeure de l’augmentation de l’autisme, mais sans essais contrôlés, nous ne pouvons ni prouver, ni exclure le lien de causalité, contrairement à ce que nous disent sans cesse les autorités responsables de la politique vaccinale. »

C'est vrai finalement, pourquoi s'embarrasser de la littérature existante sur le sujet, quand il est bien plus facile et manipulateur de crier au manque de données scientifiques.

La vaccination ne cause pas l'autisme. C'est un sujet de recherche qui a fait l'objet de beaucoup d'études de grandes qualités qui arrivent toutes à cette même conclusion. Par exemple, ce document (en anglais) rappelle que l'étude de Andrew Wakefield dans The Lancet a été rétractée car sa validité a été remise en question pour plusieurs raisons. Mais également, le document recense 26 études de très grandes qualités qui démontent le lien hypothétique autisme-vaccination.

Notamment, une méta-analyse qui résument les preuves de cinq études de cohorte impliquant plus de 1 million d'enfants et cinq études de cas-contrôle impliquant 9.920 enfants.

Également, une revue systématique a analysé 5 contrôles de cas randomisés, 1 essai clinique contrôle, 27 études de cohortes, 17 études de cas-contrôle, 5 essais chronologies, 1 plan d'étude croisé, 2 études écologiques, 6 séries d'études de cas autocontrôlés, impliquant en tout 14.700.000 enfants et évaluant l'efficacité et la sécurité du vaccin ROR.

En français, consultez aussi cet article qui recense 146 solides études sur le sujet (dont fait partie une récente revue systématique sur le sujet qui conclut, une nouvelle fois, en l'absence de lien entre la vaccination et l'autisme).

Les revues systématiques et les méta-analyses sont ce qui se fait de mieux dans la hiérarchie des preuves scientifiques. Les références reprises dans le document reprennent les preuves scientifiques les puissantes qui existent sur ce sujet.

Les antivaccins qui associent l'autisme à la vaccination sont loin, très loin de pouvoir se targuer d'un tel niveau de preuves (si l'on considère qu'ils sont capables de produire ne serait-ce qu'une preuve convaincante sur ce sujet).

Pour étayer son propos, le Dr. Cunningham met en exergue une étude intitulée "Pilot Comparative Study on the health of vaccinated and unvaccinated 6- to 12- year old U.S. Children".

Rappelez-vous qu'on a déjà eu l'occasion de discuter, sur ce blog, de cette étude extrêmement moisie. Nous allons revoir ci-dessous pourquoi l'étude est si mauvaise à la lumière d'une analyse un peu différente. 

Avant de poursuivre, je dois préciser que cette étude a fait l'objet d'une double rétractation, parce qu'elle est de très très mauvaise qualité. Publiée deux fois, dans deux revues prédatrices différentes, avec deux titres différents (oui, les antivaccins sont persévérants dans leur manipulation), elles ont consisté à interroger les parents de 666 enfants scolarisés à domicile, dont 39% n'étaient pas vaccinés, et en ont conclu que la vaccination augmentait le risque de problèmes neurodéveloppementaux, en particulier si les enfants étaient nés prématurément.

L'étude contient au minimum les problèmes suivants, pointés par Skeptical Raptor :

  1. L'étude utilise un questionnaire sur Internet pour déterminer chacun des points de données de cette étude. L'utilisation de questionnaires pour les études épidémiologiques est mal vue par de nombreux chercheurs. Les raisons sont nombreuses. Cela implique de faire confiance en la mémoire du participant pour des événements dont il pourrait ne pas se rappeler correctement. En outre, les participants à l’enquête pourraient être biaisés, de manière intentionnelle ou non, à associer une maladie aux vaccins ou à en ignorer une chez les enfants non vaccinés. Mieux faites et plus coûteuses, les études épidémiologiques s’appuient sur les dossiers médicaux pour réduire les erreurs de mémoire et les biais. C'est un point critique - les meilleures études qui ne montrent aucun lien entre les vaccins et l'autisme reposent sur des données médicales réelles pour chaque enfant, et non sur un questionnaire qui pourrait ou non permettre de suivre des informations exactes.
  2. Les groupes scolarisés à la maison ne sont pas représentatifs des enfants d'âge scolaire en général. Beaucoup d'enfants sont scolarisés à la maison parce que les parents n'aiment pas les vaccins, ce qui en fait un groupe biaisé. Maintenant, peut-être que le groupe scolarisé à la maison est le reflet d'un groupe traditionnellement scolarisé - si vous voulez expliquer cela, vous devez fournir de vraies données publiées dans un journal.
  3. Les parents qui vaccinent peuvent être moins réticents à consulter leur médecin pour se faire diagnostiquer une maladie, tandis qu'un parent non vaccinant peut choisir d'ignorer des problèmes de santé, qu'il soit mineur. Ainsi, il peut exister un biais involontaire en faveur des problèmes de santé des enfants vaccinés.
  4. Les groupes (vaccinés ou non vaccinés) ne sont pas randomisés, ce qui entraîne un biais observationnel et de confirmation.
  5. La population de l'étude est trop petite pour extraire des données sur des affections très rares. Une méta-revue incluant près de 1,3 million d'enfants, utilisant de vrais dossiers médicaux pour établir le statut de vaccination et le statut de TSA, a révélé qu'il n'y avait pas de différence entre les groupes vaccinés et non vaccinés en ce qui concerne l'incidence de l'autisme.
  6. Il y a un manque d'analyse des cofacteurs potentiels, ce qui pourrait fausser les résultats. Existe-t-il d'autres différences entre les groupes vaccinés et non vaccinés qui auraient pu biaiser les résultats d'une manière ou d'une autre?
  7. L'utilisation des odds ratio par les chercheurs est curieuse et peut biaiser les résultats. La seule raison d'utiliser des OR est de gonfler la différence entre les deux groupes. Les vrais épidémiologistes préfèrent le risque relatif (RR), qui nous fournit une compréhension beaucoup plus sensible de l'incidence d'une maladie dans un groupe vacciné par rapport à un groupe non vacciné. Par exemple, le RR pour les TSA de cette étude (si les données étaient réellement utiles, ce qui n’est pas le cas) est de 3,1, alors que l'OR est de 4,2.
  8. La confiance démesurée à l'égard des p-values est toujours un signal d'alarme pour les chercheurs. Avec autant de p-valeurs, la probabilité de faux positifs est assez grande. Étant donné que la population de l'étude était vraiment petite, il convient également de noter que l'odds ratio comportait des fourchettes d'erreur relativement grandes, la plupart traversant frôlant l'unité, soit 1,0, ce qui indique qu'il n'y a pas de différence entre les groupes.
  9. Les auteurs semblent négliger ou ignorer le fait que les enfants vaccinés avaient un risque beaucoup plus faible de maladies comme la varicelle et la rougeole, qui, on le sait, entraînent des risques importants de problèmes de santé à long terme. Même si nous admettons que cette étude mal conçue nous apporte des preuves des effets néfastes des vaccins, il faudrait contrebalancer avec les avantages d'éviter les maladies évitables par la vaccination. Bien sûr, cette étude est si mauvaise qu’il est difficile d’admettre qu'elle soit ne serait-ce qu'un peu utile.

Initiative Citoyenne reprend aussi les propos de Claire Dwoskin, fondatrice de l'Institut de recherche sur la sécurité médicale des enfants. Devinez quoi ? Cet "institut" au nom ronflant n'a rien d'officiel non plus. Il a été créé et est financé par la Fondation de la famille Dwoskin multi-millionnaire. 

Il "œuvre" à financer des chercheurs dont les travaux sont abondamment repris par la communauté antivaccinale pour répandre leur désinformation. Voici certains de ces chercheurs totalement discrédités :

- Dr. Yehuda Shoenfeld - un immunologiste dirigeant le Centre pour Maladies Autoimmunes de Zabludowicz qui prétend avoir découvert une nouvelle maladie autoimmune associée aux vaccins, l'ASIA.

- Dr Christopher Shaw - un neuroscientifique du département d'ophtalmologie et des sciences visuelles à l'Université de Colombie Britannique, totalement discrédité à cause de ses multiples études rétractées et frauduleuses, dont l'attention se porte sur le syndrome de Guan et le rôle de l'aluminium comme neurotoxique

- Dr Christopher Exley - un professeur de chimie bio-organique au Birchall Centre de la Keele University à Stafforshire en Angleterre et professeur honoraire à la University of the Highland and Islands en Ecosse. Il publie de nombreux articles sur l'aluminium.

- Dr Lucija Tomljenovic - une chercheuse postdoctorante dans le laboratoire du Dr Shaw au département d'ophtalmologie et des sciences visuelles à l'Université de Colombie Britannique

- David Geier et le Dr. Mark Geier - ils ont longtemps abusé de la base de données VAERS pour essayer de montrer que les vaccins provoquent l'autisme.

Conclusion

Nous avons choisi d'évoquer cet article du blog Initiative Citoyenne parce qu'il illustre bien (et il est malheureusement loin d'être le seul évidemment) quelques-unes des nombreuses ficelles qu'utilisent les adeptes de la religion antivaccinale

Pour essayer de faire croire que les vaccins ne sont pas sûrs, IC se voit obligé d'évoquer une étude multi-rétractée [multi-rétractée parce qu'elle ne démontre rien, et certainement pas ce qu'elle prétend vouloir montrer, comme cela a été abondamment démontré] et de recourir à des arguments pathétiques de fausse autorité et d'appel à l'ignorance.

Enfin, Initiative Citoyenne en s'acharnant à vouloir éviter à tout prix d'évoquer la vraie science, celle qui est méthodologiquement correcte, appuyée par des données solides, publiée, revue par les pairs, reproductible, démontre qu'elle est loin d'être d'une source fiable d'informations sur les vaccins, malgré ce qu'elle prétend

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